Je ne vais pas me cacher: je suis un homme très, très chaotique. J’ai dédié une grande partie de mon existence à organiser ma vie, mon travail et mes relations, et c’est bien plus tard que j’ai compris qu’il s’agissait en réalité d’une stratégie de survie pour compenser le chaos qui m’habitait, et qui m’habite probablement encore. Pas folle la bête.
La très grande chance que j’ai eu dans cette vie, c’est d’avoir beaucoup de symboles auxquels j’ai pu m’accrocher: ma famille, mes amis (en particulier celles entamées avant mes 20 ans), mes relations, mon pays. Ces symboles auquel je me suis attaché inconsciemment m’ont définitivement évité de sombrer dans mon propre chaos. Je ne suis pas certain de ce que je vais avancer, mais après avoir passé plus de 5 ans aux États-Unis, il semble que les drogues et la folie sont bien plus présents ici car ses habitants ont moins de symboles auxquels s’accrocher, moins de proximité géographique avec leur familles, avec leur amis, et se démènent pour survivre dans une société profondément individualiste. Je me demande même si ce n’est pas mon propre chaos que je suis venu chercher et confronter ici.
Inévitablement, les gens qui m’ont approché de très près ont mis a nu ce tumulte intérieur, comme si je me rapprochais d’un mirroir au fur et à mesure qu’ils s’approchaient de moi. Tant que ce chaos reste inconscient, si cela vous parle, vous blesserez tous ceux qui s’approchent de vous, et par conséquent vous vous blesserez vous-même, car nous faisons tous parti du même tissu, du même tout. Lorsque nous créons un déséquilibre chez quelqu’un, nous induisons chez lui une rétroaction qui va à son tour se répercuter sur ce tissu, comme une onde qui se propage. Sacré merdier quand même, surtout avec la quantité de tarés qui foulent le sol.
Lorsque j’ai réellement touché le fond, je crois que je l’ai touché tellement fort que j’ai libéré une gigantesque force intérieure. Comme une balle rebondissante en chute libre depuis le commencement, qui aurait enfin touché le sol et aurait emmagasiné tellement d’énergie elastique que la seule issue possible est de repartir aussi fort qu’elle est arrivée. J’ai monopolisé ma plus grande force: ma curiosité, et bien évidemment ma bonne étoile a été là pour moi et a mis sur mon chemin une personne extraordinaire, un savant de l’esprit humain, qui m’a guidé dans mon propre labyrinthe et m’a confronté a mon ombre.
2 ans. 2 ans d’exploration sans relâche, 2 ans dans la jungle de mon esprit, à tronçonner mes pensées en friche, à me taper contre les murs que mon égo avait construit pour moi, afin de me protéger de ce qui se trouvait au bout du labyrinthe. Mais un jour, presque par hasard, je l’ai trouvée, au centre du labyrinthe. La bête, l’ombre, celle que Darwin a placé au centre de notre psychée, celle qui nous enrage lorsque nous sommes insatisfaits, celle qui nous pousse à tuer, à mentir et à voler pour notre propre survie. Une bête faible et vorace qui nous pousse à toutes les folies pour des caprices toujours plus délirants. Cependant, lorsque l’on trouve cette bête, on peut communiquer avec, on peut faire la paix avec, on peut lui offrir une voix, on peut lui offrir du temps, on peut l’aimer. Et quand on l’aime, la bête n’est plus aussi désespérée, elle ne contrôle plus notre inconscient pour s’exprimer, puisqu’elle siège désormais dans le royaume de la conscience.
La bête est indispensable, c’est elle qui nous protège, c’est elle qui augmente notre rythme cardiaque lorsque nous avons peur, c’est elle qui contracte toutes nos fibres musculaires quand nous sommes en danger, alors que nous recrutons péniblement ces mêmes fibres à la salle de sport. La bête à un contrôle total sur notre psychée, sur notre corps, c’est elle qui nous rend laid lorsque l’on ne l’écoute pas, c’est son absence qui nous fait sombrer lorsque nous sommes tristes.
Lorsque j’ai négocié une paix avec elle, je suis devenu un humain différent. Plus souple, plus calme, plus fort, beaucoup plus fort. Je navigue les relations avec une grande fluidité, j’offre une meilleure présence à mes pairs, j’offre plus d’amour à qui veut bien le prendre. Tout ça parce que à chaque interaction avec le monde extérieure, la bête me fait confiance, me soutient, et me protège.
Négociez cette paix, et faiter la durer.